La Cour de justice de l’Union Européenne
invalide les conditions générales d’Amazon
L’e-commerce implique que le
commerce entre professionnels et consommateurs s’envisage de manière
transfrontière.
Depuis plusieurs années
maintenant, les consommateurs orientent leurs achats en ligne vers des
entreprises qui sont établies aux quatre coins du monde.
En Europe, la protection du consommateur constitue un
enjeu majeur dès lors que les institutions européennes estiment qu’une
protection accrue de cet acteur économique permettra de le rassurer et donc,
par la même occasion, de faciliter la circulation des marchandises au sein du
territoire européen.
Cette protection du consommateur
passe notamment par le choix du droit applicable.
En Europe, la législation européenne permet aux parties à
un contrat de choisir le droit applicable en cas de litige.
Dans le cadre de l’e-commerce,
prenons l’exemple d’un contrat de vente
régi par le droit espagnol.
Si l’acheteur ne paie pas la
marchandise achetée, le vendeur disposera d’un recours défini par le droit
applicable à la relation contractuelle et désigné dans le contrat.
On voit tout de suite la dérive qui peut découler de pareille
pratique dans la mesure où les contrats de vente en ligne sont fréquemment des contrats d’adhésion, soit des contrats
au terme desquels le contenu contractuel est défini unilatéralement par le
vendeur.
Selon l’expression « c’est à
prendre ou à laisser », le consommateur/acheteur se trouve dépourvu de
tout pouvoir de négociation et est alors tenu, s’il souhaite conclure le
contrat, de se conformer aux conditions définies unilatéralement par le
vendeur, dont notamment le droit applicable.
Ainsi, le vendeur peut évidemment être tenté de choisir un droit qui le
favorise en cas de litige avec le consommateur/acheteur.
Cette pratique est toutefois désormais mise à mal depuis le prononcé
d’un arrêt par la Cour de Justice de l’Union Européenne du 28 juillet 2016.
Cette affaire mettait en cause la
société exploitant le célèbre site de vente en ligne « Amazon » à une
association de consommateurs autrichiens.
Dans le cadre de son activité déployée
en Europe, la société Amazon EU SARL est
établie au Luxembourg (société holding disposant de plusieurs succursales,
notamment en France et en Italie).
La société Amazon EU SARL prévoit
dans ses conditions d’utilisation et ses conditions générales de vente (et pour
toutes ses succursales européennes) que le droit
luxembourgeois est applicable.
Dans le cadre de l’affaire
précitée, l’association des consommateurs autrichiens a introduit une action en cessation à l’encontre de la
société Amazon EU SARL en vue de faire
interdire l’utilisation par Amazon de clauses
considérées abusives figurant dans
ses conditions générales de vente («
CGV ») à l’égard de consommateurs résidant en Autriche, parmi lesquelles la clause désignant le droit luxembourgeois
applicable en cas de litige.
La Cour de Justice va tout
d’abord rappeler que, dans le cas d’espèce, les conditions générales établies
par Amazon n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle (contrat
d’adhésion).
En pareil cas, toute clause
reprise dans les conditions générales est susceptible d’être considérée comme
étant abusive lorsqu’elle crée un déséquilibre
significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du
consommateur.
L’appréciation du déséquilibre se
fait au cas par cas et peut notamment entrer en ligne de compte le fait que la clause n’est pas suffisamment claire dans
sa rédaction et est susceptible d’induire le consommateur en erreur quant aux
droits dont il dispose.
La Cour de Justice va en l’espèce
se baser sur cet élément d’appréciation pour considérer que la clause de droit
applicable d’Amazon est abusive.
Celle-ci rappelle en effet que si
le droit européen permet aux parties de convenir du droit applicable à un
contrat de consommation, c’est à condition que soit assuré le respect de la
protection dont le consommateur bénéficie en vertu des dispositions impératives
de sa loi nationale.
Par conséquent, en désignant le droit luxembourgeois dans
ses conditions générales, la Cour de Justice estime qu’Amazon induit le consommateur en erreur en lui donnant l’impression
que seul ce droit s’applique au contrat.
Que retenir de cet arrêt pour les entreprises d’e-commerce ?
Au regard de l’arrêt de la Cour
de Justice évoqué ci-avant, il est désormais nécessaire de faire preuve de
prudence au moment de rédiger une clause de droit applicable reprise dans un contrat
de consommation, dont font partie les contrats conclus en ligne entre une
entreprise et un consommateur.
L’entreprise veillera en effet à informer le consommateur qu’il
bénéficie des dispositions de son droit national, peu importe le droit désigné dans
la clause de droit applicable.
Cette mention devra être reprise
de manière claire et sans équivoque afin d’être validée.
A défaut d’intégrer pareille mention,
l’entreprise s’expose à ce que sa clause de droit applicable soit invalidée et
que le droit national du consommateur soit alors appliqué pour l’ensemble du
contrat et non plus seulement pour les seules questions de droit impératif…
Samuel Pochet
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