Ordalis

Association d'avocats Patrick Larbière & Bertrand Peret

vendredi 19 janvier 2018

Le choix du droit applicable dans le cadre du commerce en ligne (e-commerce)

La Cour de justice de l’Union Européenne invalide les conditions générales d’Amazon

L’e-commerce implique que le commerce entre professionnels et consommateurs s’envisage de manière transfrontière.

Depuis plusieurs années maintenant, les consommateurs orientent leurs achats en ligne vers des entreprises qui sont établies aux quatre coins du monde.

En Europe, la protection du consommateur constitue un enjeu majeur dès lors que les institutions européennes estiment qu’une protection accrue de cet acteur économique permettra de le rassurer et donc, par la même occasion, de faciliter la circulation des marchandises au sein du territoire européen.

Cette protection du consommateur passe notamment par le choix du droit applicable.

En Europe, la législation européenne permet aux parties à un contrat de choisir le droit applicable en cas de litige.

Dans le cadre de l’e-commerce, prenons l’exemple d’un contrat de vente régi par le droit espagnol.

Si l’acheteur ne paie pas la marchandise achetée, le vendeur disposera d’un recours défini par le droit applicable à la relation contractuelle et désigné dans le contrat.

On voit tout de suite la dérive qui peut découler de pareille pratique dans la mesure où les contrats de vente en ligne sont fréquemment des contrats d’adhésion, soit des contrats au terme desquels le contenu contractuel est défini unilatéralement par le vendeur.

Selon l’expression « c’est à prendre ou à laisser », le consommateur/acheteur se trouve dépourvu de tout pouvoir de négociation et est alors tenu, s’il souhaite conclure le contrat, de se conformer aux conditions définies unilatéralement par le vendeur, dont notamment le droit applicable.

Ainsi, le vendeur peut évidemment être tenté de choisir un droit qui le favorise en cas de litige avec le consommateur/acheteur.

Cette pratique est toutefois désormais mise à mal depuis le prononcé d’un arrêt par la Cour de Justice de l’Union Européenne du 28 juillet 2016.

Cette affaire mettait en cause la société exploitant le célèbre site de vente en ligne « Amazon » à une association de consommateurs autrichiens.

Dans le cadre de son activité déployée en Europe, la société Amazon EU SARL est établie au Luxembourg (société holding disposant de plusieurs succursales, notamment en France et en Italie).

La société Amazon EU SARL prévoit dans ses conditions d’utilisation et ses conditions générales de vente (et pour toutes ses succursales européennes) que le droit luxembourgeois est applicable.

Dans le cadre de l’affaire précitée, l’association des consommateurs autrichiens a introduit une action en cessation à l’encontre de la société Amazon EU SARL en vue de faire interdire l’utilisation par Amazon de clauses considérées abusives figurant dans ses conditions générales de vente (« CGV ») à l’égard de consommateurs résidant en Autriche, parmi lesquelles la clause désignant le droit luxembourgeois applicable en cas de litige.

La Cour de Justice va tout d’abord rappeler que, dans le cas d’espèce, les conditions générales établies par Amazon n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle (contrat d’adhésion).

En pareil cas, toute clause reprise dans les conditions générales est susceptible d’être considérée comme étant abusive lorsqu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur.

L’appréciation du déséquilibre se fait au cas par cas et peut notamment entrer en ligne de compte le fait que la clause n’est pas suffisamment claire dans sa rédaction et est susceptible d’induire le consommateur en erreur quant aux droits dont il dispose.

La Cour de Justice va en l’espèce se baser sur cet élément d’appréciation pour considérer que la clause de droit applicable d’Amazon est abusive.

Celle-ci rappelle en effet que si le droit européen permet aux parties de convenir du droit applicable à un contrat de consommation, c’est à condition que soit assuré le respect de la protection dont le consommateur bénéficie en vertu des dispositions impératives de sa loi nationale.

Par conséquent, en désignant le droit luxembourgeois dans ses conditions générales, la Cour de Justice estime qu’Amazon induit le consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seul ce droit s’applique au contrat.

Que retenir de cet arrêt pour les entreprises d’e-commerce ?

Au regard de l’arrêt de la Cour de Justice évoqué ci-avant, il est désormais nécessaire de faire preuve de prudence au moment de rédiger une clause de droit applicable reprise dans un contrat de consommation, dont font partie les contrats conclus en ligne entre une entreprise et un consommateur.

L’entreprise veillera en effet à informer le consommateur qu’il bénéficie des dispositions de son droit national, peu importe le droit désigné dans la clause de droit applicable.

Cette mention devra être reprise de manière claire et sans équivoque afin d’être validée.

A défaut d’intégrer pareille mention, l’entreprise s’expose à ce que sa clause de droit applicable soit invalidée et que le droit national du consommateur soit alors appliqué pour l’ensemble du contrat et non plus seulement pour les seules questions de droit impératif…

Samuel Pochet