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Association d'avocats Patrick Larbière & Bertrand Peret

jeudi 16 novembre 2017

La réserve de propriété dans le cadre d’un contrat

Le principe est bien connu en droit belge : dès la conclusion d’un contrat de vente, l’acheteur devient immédiatement propriétaire du bien vendu, quand bien même le paiement du prix n’aurait pas été réglé par l’acquéreur et que la délivrance du bien par le vendeur n’ait pas encore eu lieu.

Le principe est toutefois supplétif de volonté et les parties peuvent décider d’y déroger.

En pratique, il est fréquent de voir les parties insérer dans le contrat une clause dite de « réserve de propriété ».

Par le biais de cette clause, les parties prévoient expressément que la propriété du bien vendu n’est pas acquise à l’acheteur tant que ce dernier n’a pas payé entièrement le prix.

Le but étant de protéger le vendeur confronté à un acheteur n’exécutant pas son obligation de paiement.

Dans ce cas de figure, le bien n’étant pas passé dans le patrimoine de l’acheteur, le vendeur est en mesure de solliciter la récupération du bien vendu si l’acheteur persiste dans son inexécution.

Afin que cette clause soit efficace en pratique, il importe qu’elle puisse être opposée aux tiers aux contrats.

En d’autres termes, le vendeur doit être en mesure d’opposer le mécanisme de la clause à tout tiers qui souhaiterait exercer un droit à l’encontre du bien faisant l’objet du contrat de vente.

Jusqu’il y a peu, la clause de réserve de propriété était considérée comme étant inopposable aux tiers, sauf en cas de faillite de l’acheteur, la loi sur les faillites prévoyant en son article 101 un formalisme d’opposabilité aux tiers.

L’hypothèse est la suivante.

Un vendeur vend à un client entreprise (personne physique ou morale) un bien.

A l’échéance convenue, l’acheteur ne paie pas le prix de vente suite à des problèmes de trésorerie.

Ces mêmes problèmes conduiront l’acheteur à être déclaré en faillite quelque temps plus tard.

Comment le vendeur peut-il alors exercer son droit de créance ? La réponse varie selon qu’une clause de propriété a été stipulée ou non.

Sans clause de propriété : l’acheteur est devenu propriétaire du bien vendu dès la conclusion du contrat de vente, indépendamment de l’absence de paiement du prix.

Dans le cadre de la faillite, le Curateur (mandataire judiciaire désigné afin notamment d’exercer le droit de l’ensemble des créanciers impayés) procédera à la vente du bien non payé initialement par l’acheteur.

Le produit de la vente profitera ensuite à la masse des créanciers et il est probable que le vendeur ne récupère pas le prix de vente.

Avec clause de propriété : pour autant que celle-ci ait été insérée selon le formalisme prévu à l’article 101 de la loi sur les faillites, la clause sera opposable à l’ensemble des créanciers présents dans la procédure de faillite.

Ce qui signifie que les créanciers sont contraints de considérer le bien objet de la vente comme faisant toujours partie du patrimoine du vendeur.

Ce dernier est alors fondé à exercer une action en revendication afin de récupérer le bien impayé.

Le régime exposé ci-avant a contenu une profonde réforme suite à une loi du 11 juillet 2013 laquelle entrera en principe en vigueur le 1er janvier 2018.

Désormais, l’opposabilité de la clause de réserve de propriété n’est plus limitée à la procédure de faillite.

Par conséquent, le mécanisme pourra être opposé dans tous les contrats translatifs de propriété et donc, notamment, dans les contrats d’entreprise impliquant une vente de marchandises.

Le formalisme entourant la validité de la clause est similaire à ce que l’on trouvait dans la loi sur les faillites, à savoir que la clause doit être établie par écrit au plus tard au moment de la délivrance des biens (un formalisme complémentaire est par ailleurs exigé dans les contrats pour lesquels l’acheteur est un consommateur).

Autre nouveauté importante dans le cadre de cette réforme : la clause de réserve de propriété peut désormais trouver à s’appliquer même si le bien vendu a fait l’objet d’une incorporation dans un immeuble (ex : matériaux incorporés dans une construction).

La loi prévoit néanmoins que, pour ce cas de figure, la réserve de propriété doit avoir fait l’objet d’un enregistrement dans le « registre des gages ».

Le lecteur aura donc cerné, à la lecture des quelques lignes qui précèdent, l’intérêt majeur que présente l’insertion d’une clause de réserve de propriété afin de prémunir le vendeur d’un acheteur n’exécutant pas son obligation de paiement.

Cet intérêt est désormais d’autant plus grand que le caractère opposable ne sera très prochainement plus limité aux seules procédures de faillite.


Samuel Pochet

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